Hydrogène naturel en Namibie - Carnot ISIFoR
En collaboration avec 45.8 Energy, le Carnot ISIFoR travaille sur l'exploration des potentielles ressources d'hydrogène naturel en Namibie.
45-8 ENERGY est la première entreprise dédiée à l'exploration et à la production écoresponsable d'hélium et d'hydrogène naturel en Europe. Isabelle Moretti, chercheuse au Laboratoire des Fluides Complexes et leurs Réservoirs nous présente cette collaboration.
Les travaux de recherche académique et de recherche en entreprise sont très souvent liés par leurs sujets d’étude et plus encore dans leurs prolongements. Le côté amont du travail académique permet en effet aux entreprises et aux industriels de réfléchir à de possibles applications ou développements indispensables à leur vie et à leur croissance. Cette proximité conduit généralement à un dialogue continu et des projets qui peuvent être ponctuels ou s’inscrire dans la durée.
Une telle situation est illustrée, dans l’échange qui suit, par un travail d’identification d’hydrogène naturel en Namibie. Isabelle Moretti (LFCR – UPPA) nous parle de ses partenariats industriels depuis plusieurs années dont une partie a été réalisée avec l’entreprise 45.8 ENERGY.
Comment a commencé le travail de recherche d’hydrogène en Namibie ?
[Isabelle Moretti] Ces dernières années nous avons bien progressé sur l’identification de roches capables de générer de l’hydrogène, en particulier les roches riches en fer du Néoprotérozoïque et de l’Archéen. La Namibie a attiré notre attention car son sous-sol en est riche. Nous avons vérifié la présence de traces d’émanations potentielles, ces fameux ronds de sorcières. Début 2022, j’ai donc décidé, sur fonds propres, de monter une mission prospective en emmenant deux de mes étudiants en thèse Gabriel Pasquet et Ugo Geymond (codirection IPGP). Les résultats ont été très intéressants, nous avons parcouru pas mal de kilomètres et testé la présence d’H2 dans différentes zones. Au retour nous avions une bien meilleure idée des zones à haut potentiel en H2 de ce pays. C’est avec ces résultats, que nous avons publiés dès fin 2022, que j’ai pu aller discuter avec les industriels, 45-8 en particulier pour leur proposer de financer une étude plus poussée.
Pourquoi 45.8 ENERGY a-t-elle été intéressée ?
[Isabelle Moretti] 45-8 avait de son côté listé la Namibie comme un pays où il est possible de travailler : pas d’insécurité, gouvernement stable, lois précises. Il n’y a pas que la présence d’H2 qui compte évidement pour faire de l’exploration. Nous venions de finir avec eux un projet dans la zone du Kosovo, mené par Dan Levy (qui était alors post-doctorant) dans le cadre de France relance, cette collaboration avait très bien fonctionné et ils ont donc été intéressés à continuer, sur le même type de montage, à travailler avec l’UPPA. Nous avons embauché Vincent Roche comme nouveau post-doctorant et démarré le projet.
La mission préparatoire avait surtout dégrossi le nord et l’est du pays. Une mission plus longue a été montée pour vérifier le potentiel du sud, nous sommes même allés en Afrique du Sud et avons précisé celui de la zone centrale. La moitié de la mission a été faite avec 3 géologues de 45-8 en janvier 2023.
Par la suite, il y a eu une troisième mission, purement UPPA, en juin 2023 où nous nous sommes concentrés sur la zone avec le plus d’émanations et qui correspondait à l’oxydation des BIF (Banded Iron Formation) du neoprotérozoique. Entre temps 45-8 avait précisé ses objectifs à court terme, produire de l’hélium en France, arriver au « first gas » c’est-à-dire produire avant de continuer à explorer. La Namibie étant pour eux un chantier de moyen voire de long terme, ils ne nous ont pas accompagnés sur cette dernière mission mais Vincent a toujours passé beaucoup de temps chez eux et ils ont suivi les avancées de son travail. Les conclusions ont été publiées en commun et présentées dans des congrès.
La présence d’hydrogène était-elle au rendez-vous et dans des concentrations significatives ?
[Isabelle Moretti] Dans la zone au sud du Waterberg nous avons mis en évidence de très nombreuses émanations (SCD pour Sub Circular Depression), leur fonctionnement est similaire à celui observé au Brésil avec des valeurs qui varient spatialement et dans le temps, le maximum étant en milieu de journée. La densité de ces SCDs est significative et nous avons précisé sur ce cas d’étude le type d’analyses qui pouvaient être faites à partir de données satellites sur les index de végétation déduits de l’infrarouge. La végétation disparait en général dans les SCDs mais on note un anneau de végétation plus dense autour. Les échantillons de sols de ces SCDs ont été rapportés pour nos collègues du groupe d’Anthony Ranchou-Peyruse (enseignant-chercheur à l’UPPA), ils ont mis en évidence les microorganismes qui s’y nourrissent d’H2 et, là aussi, une publication est prévue.
Au final, 45-8 a un dossier sérieux pour quand ils voudront explorer dans ce pays, sur le Kosovo ils ont fait une demande de permis. De son côté l’UPPA est montée en compétence et a publié ses travaux, tant régionaux que théoriques. Pour ce qui concerne la nouvelle génération : Vincent Roche a diversifié son CV, avec cette expérience H2 et industrielle, il a été embauché immédiatement comme Maître de Conférence (il a même dû écourter son post-doctorat d’une semaine pour prendre son nouveau poste !). Dan Lévy qui avait travaillé précédemment avec 45-8 sur le Kosovo a continué sur un autre post-doc, toujours sur l’H2 avec un financement de SLB.