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Lundi 20 janvier 2025

Former des ingénieurs du numérique engagés dans la transition environnementale - Carnot Télécom & Société numérique

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L’école Télécom SudParis, composante de l’institut Carnot TSN, possède une chaire d’enseignement, baptisée INTEGRATE, autour des enjeux liés à la transition environnementale. Son objectif : former des ingénieurs engagés pour un numérique plus durable, en associant les enseignants-chercheurs et des partenaires – publics et privés – au cœur de ces réflexions essentielles.

« Lorsque j’ai commencé ma carrière d’enseignant-chercheur à Télécom SudParis, en 2008, la question de l’impact écologique du numérique se posait rarement », se souvient Emmanuel Monfrini, aujourd’hui directeur des formations de l’école. « Parler de transition énergétique dans notre milieu revenait même parfois à se voir considérer comme un « écolo fanatique » dont les idées risqueraient de mettre en péril la compétitivité des entreprises françaises. Le virage s’est opéré assez brutalement, à partir du milieu des années 2010. » Jusqu’alors épargnée, l’industrie du numérique est dès lors largement pointée du doigt, en particulier en raison de sa consommation d’énergie.

Des critiques légitimes, qu’il convient toutefois d’affiner. « Actuellement, au niveau des émissions de gaz à effet de serre, le numérique ne représente pas une catastrophe », observe Emmanuel Monfrini. « Mais étant donné la croissance suivie par l’industrie, cela pourrait prochainement le devenir. Il est donc encore temps d’agir, pour éviter une impasse. »

Réunir étudiants, enseignants et partenaires autour de la transition environnementale

Télécom SudParis l’a bien compris et souhaite contribuer à cet effort collectif. L’école a en effet lancé, en septembre 2022, la chaire d’enseignement Ingénierie numérique & Transition Environnementale Pour une Gestion Responsable et une Accélération de la Transformation Énergétique (INTEGRATE). « Notre idée est de réunir des étudiants qui ont envie de s’investir sur ces sujets, des enseignants qui possèdent un savoir qu’ils développent continuellement et des organisations qui ont besoin d’évoluer, tant pour des raisons éthiques qu’économiques et réglementaires », présente Emmanuel Monfrini, qui pilote la chaire. Parmi les soutiens d’INTEGRATE figurent ainsi des entreprises comme Michelin, Sopra Steria ou LOG, et des acteurs publics tels que la Direction Générale de l’Aviation Civile, la Fondation Mines-Télécom ou la Banque des territoires de la Caisse des Dépôts, qui a rejoint dernièrement la liste des partenaires.

L’objectif de la chaire est de former les étudiants de l’école d’ingénieurs à ces enjeux et de leur donner les clés pour qu’ils soient eux-mêmes moteurs de la transition environnementale dès le début de leur carrière. Une ambition qui correspond à la demande croissante des élèves ingénieurs. « Aujourd’hui, en interrogeant les étudiants à leur entrée à Télécom SudParis, nous notons qu’une large majorité considère l’impact écologique comme un sujet essentiel », relève Emmanuel Monfrini. « Cependant, au moment du choix de leur premier employeur, certains privilégient le meilleur salaire. » Charge à l’école de leur montrer d’autres perspectives et aux entreprises de leur prouver que ces deux objectifs ne sont pas nécessairement irréconciliables.

Prise de conscience et mesure de l’impact écologique

La prise en compte des enjeux liés à la transition environnementale a fait sensiblement évoluer l’ensemble de la formation à Télécom SudParis. Ainsi, dès la première année, les étudiants suivent un cours intitulé « Technologie et enjeux écologiques : une approche systémique planétaire ». Son but : permettre aux élèves de comprendre les mécanismes scientifiques relatifs au changement climatique, de façon globale, et de s’approprier les problématiques associées. Ensuite, un autre module aborde plus précisément le rôle joué par le numérique dans ces effets. « Avec ces présentations, l’idée est de faire adhérer les étudiants à la nécessité d’agir, une étape primordiale », explique le pilote d’INTEGRATE. « Et aussi de leur montrer qu’il est possible d’agir, notamment via des exemples d’entreprises engagées sur ces sujets, comme Michelin. »

Puis, une fois les élèves pleinement conscients des enjeux, vient l’épineuse question de la mesure des impacts environnementaux du numérique, qui fait l’objet d’un cours en deuxième année. « À ma connaissance, un tel module n’existe dans aucune autre école », remarque Emmanuel Monfrini. « Pourtant, mesurer constitue une étape indispensable pour savoir ce qui est susceptible d’être amélioré. Afin de créer ce cours, nos enseignants-chercheurs sont revenus à l’essentiel : utiliser des appareils de mesure simples, tels que des voltmètres, pour mesurer la consommation d’énergie induite par un algorithme, par exemple. » Une approche qui ne se veut pas exhaustive, mais qui aide à comparer l’efficacité énergétique d’un programme en fonction du langage employé ou de la façon de coder. Ce module, dans lequel sont également impliqués Sopra Steria et LOG, apparaît ainsi comme un pivot de la chaire d’enseignement.

Enrichissement mutuel

Enfin, la troisième année à Télécom SudParis comporte un module sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), au sein duquel interviennent les organisations partenaires d’INTEGRATE. Celles-ci présentent en effet aux étudiants des projets sur lesquels elles travaillent véritablement et les élèves, réunis en équipe, proposent des réflexions quant à des aspects RSE : durée de vie, bilan carbone, analyse du cycle de vie… « Pour les étudiants, c’est aussi l’occasion de se confronter à la réalité d’une entreprise, impliquant des exigences de résultats, des délais, des réunions régulières avec leur tuteur », énumère Emmanuel Monfrini. « Et du côté des partenaires, il s’agit premièrement d’alimenter leur propre réflexion avec les idées exprimées par les élèves. Mais également de confronter leurs propres initiatives RSE au regard critique des futurs ingénieurs, acquis grâce aux enseignements suivis préalablement. » Une illustration de l’enrichissement mutuel apporté par la chaire, dont profitent aussi bien les étudiants que les partenaires et les enseignants-chercheurs.

Aujourd’hui, les enjeux liés à la transition écologique font donc partie intégrante du cursus à Télécom SudParis. Sur les 180 crédits ECTS accordés par l’école, dans le cadre de sa formation d’ingénieur, 12 sont en effet dédiés à ces sujets. Et pour ceux qui souhaiteraient s’impliquer davantage sur ce sujet, l’établissement propose un « Parcours Environnement ». En plus des enseignements mentionnés ci-dessus, celui-ci encourage les étudiants à aborder des problématiques en lien avec l’écologie lors des projets et des stages jalonnant leur cursus. Une orientation sanctionnée par un certificat accompagnant leur diplôme, en fin de parcours, et attestant de leur expertise en la matière.

Envisager de renoncer à certaines solutions numériques

Depuis son lancement en septembre 2022, la chaire INTEGRATE a permis de produire différents documents, notamment des guides à destination des professionnels. Mais le plus emblématique d’entre eux s’adresse aux étudiants : la charte de construction de l’ingénieur d’un numérique responsable . En dix points, elle décrit la vision de Télécom SudParis quant aux compétences et au savoir que l’école entend transmettre à ses futurs diplômés. Par exemple, le sixième item correspond au module sur la mesure des impacts environnementaux du numérique. Les points 7 à 9, eux, relèvent davantage de la conception et de la mise en œuvre de solutions, un savoir-faire développé lors de la deuxième moitié de la formation d’ingénieur.

Quant au dernier ingrédient, il est « particulièrement osé », selon Emmanuel Monfrini : « Appréhender avec lucidité les forces et faiblesses d’un service numérique et accepter d’y renoncer s’il est incompatible avec le développement d’un numérique responsable. » Une recommandation, qui s’inscrit dans une démarche low-tech, surprenante pour une école comme Télécom SudParis. « Il est essentiel de garder à l’esprit que le numérique n’est pas nécessairement la meilleure solution à chaque problème », souligne le directeur des formations de l’école. « La transition environnementale ne peut passer que par un changement des mentalités à large échelle. »

C’est cette évolution globale que souhaite accompagner la chaire INTEGRATE sur le long terme, même si elle n’a été initialement conclue que sur trois ans. « Néanmoins, l’arrivée récente de la Caisse des Dépôts a étendu la durée de vie de la chaire, au moins jusqu’en 2026 », annonce Emmanuel Monfrini. « Et nous sommes en discussion avec les partenaires actuels pour prolonger l’aventure, ainsi qu’avec de potentiels nouveaux entrants, en particulier de gros acteurs du domaine de l’énergie. » Des interlocuteurs majeurs pour approfondir les réflexions autour de la transition écologique.

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